La crise sanitaire sans précédent auquel le monde est confronté nous rappelle, s’il le fallait, la grande dépendance de nos pays à des produits et matériels de santé conçus à l’autre bout de la planète.
Allons-nous voir une pénurie de médicaments, dont la Chine et l’Inde sont les principaux pourvoyeurs, venir amplifier les terribles difficultés du moment ? La mondialisation telle que nous la connaissons, sans complète évaluation des risques de rupture de la supply chain, va-t-elle nous priver des matières actives pharmaceutiques indispensables de base ? La relocalisation de la production en Europe peut-elle être la réponse à ce risque [1] [2]?
Pour bien comprendre la situation actuelle, il parait nécessaire dans un premier temps de faire un retour sur l’évolution de l’industrie pharmaceutique sur ces 50 dernières années [3] :
Mais alors, qu’en est-il de la production des matières actives nécessaires ? Jusqu’à la fin des années 80, ce marché est très concentré et voit la gestion de ses sites de fabrication entre les mains des acteurs du médicament. Mais un tournant s’amorce dans les années 90, sous l’impulsion de plusieurs phénomènes :
Cette situation globale complexe et onéreuse a amené, au fil du temps, les acteurs du domaine pharmaceutique à rationaliser leur coût de production de matières actives et à limiter les investissements d’usine de production. Malgré tout, le retour sur investissement de la recherche et développement continue de s’éroder [5].
Comment envisager la suite ? Quel avenir pour le médicament au niveau mondial ? Quelle action mener pour enrayer une éventuelle pénurie ?
Les défis de maîtrise du système de production sont en effet considérables :
Face à ces défis, la problématique de la re-localisation des productions n’est que la partie visible de l’iceberg ! Il faut avant tout se ré-approprier les raisons de ces délocalisations, les réexaminer et accepter les changements critiques mais aussi les efforts à dépenser ; en effet :
Faisons preuve de proactivité car la Chine ne veut plus être seulement le producteur de matières actives mais devenir aussi le développeur de nouvelles molécules. Elle a récemment simplifié sa procédure d’approbation des nouveaux médicaments et a ainsi été le premier pays à travers le monde à approuver un nouveau traitement contre les anémies, le Roxadustat d’Astra Zeneca et Fibrogen[7]. Elle est également en passe de développer à Shanghai dans le quartier de Pudong, l’épicentre des biotechnologies du pays, la « Pharma Valley » made in China. Elle renforce et développe ses compétences : « La Chine dispose des fonds, des ressources scientifiques et des projets clefs soutenus par le gouvernement central… » déclarait Jun Ren, fondateur de l’entreprise New Summit Biopharma[8].
Si nous ne sommes pas prêts à changer de paradigme, l’Europe perdra toute possibilité d’avancée significative et rapide.
Sources :
[1] Le quotidien du pharmacien : Y a-t-il un risque pour l’approvisionnement en médicaments ? M Mazière 17/02/2020
[2] Euractiv : Europe’s dependence on medecine imports 16/03/2020
[3] Académie Nationale de Pharmacie : Matières premières pharmaceutiques, mondialisation et santé publique, recommandations du conseil 22/06/2011
[4] Horizons stratégiques : Caractéristiques du marché des médicaments et stratégies des firmes pharmaceutiques ; P Abecassi et N Coutinet ; 2008,1, n°7,111-139
[5] Site internet LaBiotech.eu 20 Avril 2020 : https://www.labiotech.eu/features/biotech-investment-pharma-innovation/
[6] Contrepoints : Pénurie de médicaments en France, 4 articles juin 2019
[7] L’Opinion : La Chine approuve pour la première fois un médicament avant les autres nations 19/12/2018
[8] PWC : L’industrie pharmaceutique la plus grande du monde serait-elle en Chine ? C Mazille et H Rives Décembre 2019